samedi 10 octobre 2009

Sherbrooke [jour]

Javais décidé de me lever tôt pour voir un peu l’aube d’ici ; je suis donc parti de bon matin, sans faire mes adieux à mon hôte comme il dormait encore, et avec l’idée de faire le tour de la ville à pieds.
La traversée du pont Jacques Cartier en fut la première étape.
Je trouvai là quelques vertiges, non que le pont fût très haut, mais j’ai trop vite remarqué, en fait, qu’il était possible de se glisser entre la route et la barrière pour tomber dans le fleuve, et cette imagination, stupide s’il en est, suffit à gâter mon passage.
Mon idée subsidiaire était de tirer profit ma vigueur matinale pour folâtrer un peu dans le bois du mont de Bellevue, jusqu’à en trouver le sommet, que j’avais vu de l’autre rive joliment chapeauté d’un plat nuage. Je m’y suis bien promené, mais je n’en ai jamais atteint le sommet ; je crois que le réseau de sentier dans lequel je m’étais engagé n’y menait juste pas. M’enfin, j'y aurais au moins appris à faire abstraction des écureuils, et découvert quelques animaux inconnus : notamment, un oiseau qui poinçonnait frénétiquement les arbres comme un pic-vert, mais qui était blanc et noir, ainsi qu'une sorte de petite mouche d’un bleu étonnamment clair et qui ne s’ennuyait pas de stagner dans l’air au milieu du chemin.
En montant, j’ai atteint le brouillard, qui donnait aux grands troncs des allures de forêt allemandes pour pochette de disque de musique classique – Schubert, sans doute.
Là, je me suis fait piquer du sang par de nombreux moustiques.

Je voulais absolument passer à nouveau dans le centre-ville, comme un lieu n’est jamais le même si, après l’avoir découvert de nuit, on y revient sous une lumière diurne. Tout m’apparut ainsi plus coloré ; les architectures s’enrichirent de détails, le Granada me révéla des charmes crémeux. Seul n’avait pas changé le désert des rues… Il faut dire aussi que c’était un dimanche matin, et que la ville est étudiante.
Je ne suis pas retourné dans le Subway, lui préférant un endroit qui n’avait, malheureusement, de donuts que dans le nom.
Plus tard, je suis me promené un peu le long de la rivière où sont les nombreux ponts qui s’étaient changés en montagnes russes dans la nuit. L’endroit était vraiment charmant ! Le locus amoenus par excellence. Vraiment, il n’y manquait que le chevalet du peintre romantique et le couple d’amoureux secrets, cachant là leurs sentiments qu’un sinistre père viendrait bientôt contraindre.
Des souvenirs s’emmêlaient à ma rêverie. L’eau calme à l’aspect profond, les talus et les petites falaises sombres aux sédiments apparents, me rappelaient des promenades familiales aux ardoisières, et l’orange vif des arbres faisaient tout à fait comme « la pomme » d’un poème que m’a fait découvrir Janine, « si rouge que le ciel autour d’elle avivait son bleu trop doux » - le jour, en effet, était magnifique. L’amoenus, je disais.

Tout s’est terminé au carrefour de l’Estrie, centre d’achat où je suis arrivé trop tôt par crainte d’y arriver trop tard, comme toujours – j’avais rendez-vous à cet endroit avec la voiture du retour. Je m’y suis considérablement ennuyé, apprenant les marques des voitures pour être en mesure d'identifier la « Honda Civic argent », et observant la progression d’un gigantesque nuage blanc. Je me demandais si, Geoffrey ici, j’aurais été capable de déclarer avec assurance que c’était là un cumulo-nimbus. Et puis, je me suis engouffré dans l’affreux complexe, mais une heure plus tard, en ressortant, je trouvai un ciel noir, une pluie battante et de sourds grondements. Je me suis alors dit que j’aurais dû pousser le jeu jusqu’au bout et y mêler un peu d’argent.

1 commentaire:

  1. L'oiseau était probablement un pic mineur ou un pic chevelu. Les mâles ont une tache rouge sur la tête et le mineur est plus petit. Ils sont relativement communs ici et ils sont très jolis!

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