mardi 24 novembre 2009

Paraît qu'est classique, mais est ben bonne

Comment devient-on Québécois ?

(trouvé sur le toile.)

* * *

1er août.

Nous venons d'emménager dans notre nouvelle maison au Québec. C'est très beau ici. Les montagnes sont si majestueuses. J'ai très hâte de les voir recouvertes de neige.

1er octobre.
Québec est le plus bel endroit du monde. Les feuilles des arbres ont pris toutes les teintes possibles de rouge et d'orange. Nous sommes allés nous promener en montagne et nous avons vu des chevreuils. Quelles créatures gracieuses ! Ce sont certainement les plus beaux animaux de la création. Cet endroit est un paradis ! Je l'adore.

1er novembre.
La saison de chasse au chevreuil commence bientôt. Je ne peux pas croire qu'on puisse tuer un si bel animal. J'espère qu'il neigera bientôt.
J'aime tellement le Québec.

1er décembre.
Il a neigé hier soir. Nous nous sommes réveillés ce matin pour découvrir que tout était devenu blanc. On dirait une carte postale. Quelle vue fantastique. Nous sommes tous sortis et nous avons fait un combat de balles de neige. Quel bel endroit ! J'adore le Québec. J'ai pelleté la neige pour la première fois cette année et je me suis amusé comme un fou. J'ai pelleté le trottoir, l'entrée de la cour. Plus tard, la gratte est passée et a recouvert l'entrée de la cour avec de la neige compacte de la rue.
Le chauffeur m'a sourit et je lui ai envoyé la main en retour. Bah ! du diable ! Je n'ai qu'à seulement pelleter de nouveau l'entrée.

10 décembre.
Encore de la neige hier soir. C'est merveilleux ! La charrue nous a encore fait sa petite farce dans l'entrée. J'aime tellement le Québec !

13 décembre.
Le soleil a fait fondre presque toute la neige. Ah ! Je suis sûr que nous en aurons d'autres avant que ce merveilleux hiver soit fini.

14 décembre.
Il est tombé 8 pouces (25 cm) pendant la nuit et la température est descendue à -10. J'ai encore pelleté l'entrée et le trottoir.
Peu après, la gratte est repassée et a répété son même petit jeu.

15 décembre.
Encore de la neige hier soir. Je n'ai pas pu sortir de ma cour pour aller travailler. Je suis épuisé de pelleter. Crisse de charrue !

17 Décembre.
J'ai vendu l'auto et acheté un 4X4 Blazer pour que l'on puisse continuer se promener dans la neige. Je l'ai équipé de 4 pneus à neige.

18 décembre.
Je suis tombé sur le cul sur la glace noire dans l'entrée. J'ai laissé $123.00 au chiropracteur mais rien n'était brisé en fin de compte. Le crisse de ciel se couvre encore...

21 décembre.
Il est encore tombé de la marde blanche hier soir. J'ai des ampoules plein les mains à force de pelleter. Je crois que le gars de la charrue se cache dans un coin de la rue et attend que je finisse de pelleter. Le câlisse de chien.

23 décembre.
Encore frette en calvaire. -32 ce matin, routes glacées, conduite impossible; j'ai percuté une rampe de l'autoroute avec l'auto de ma femme. Probablement $2,000. de dommage. Elle est en tabarnak.

24 décembre.
On est assuré d'un Noël Blanc; parce qu'un autre 7 pouces nous est tombé dessus la nuit passée et avec cette calisse de basse température, elle fondera pas avant le mois d'août crisse ! Je me suis encore habillé pour sortir et pelleter c'te crisse de marde encore : bottes, jump-suit, foulard, cache-oreilles, gants... et pis la, j'ai eu envie de pisser !

25 décembre.
Joyeux sacrament de Noël ! Encore de la tabarnac de neige. Si je pogne l'enfant de chienne qui chauffe la gratte, j'y fais faire 100 pieds dans la neige en le tirant par les gosses (couilles). Je commence a penser qu'il se cache au coin de la rue et attend que je finisse de pelleter pour venir passer à 100 milles à l'heure devant mon entrée et garocher sa crisse de marde (juron très vulgaire) de la rue dans mon entrée de cour.
Je comprends pas pourquoi y mettent pas plus de calcium sur les routes pour faire fondre la glace.

26 décembre.
Ils prédisent 12 autres pouces de c'te sacrément crisse de marde blanche encore. Y a-t-il quelqu'un qui sait comment de Jésus-Christ, de pelletés de neige, 12 pouces, veulent dire.
Fuck le Père Noël! il a pas à pelleter le vieux Tabarnak. Le gars de la souffleuse est venu pour une donation. J'y ai calissé un coup de pelle dans la face, le crisse, je l'ai envoyé à l'hôpital dans les chambre 22, 23, 24, et 26. Les docteurs pensent qu'il va survivre.

27 décembre.
Encore de la marde blanche hier soir. Ça fait trois jours qu'on n'est pas sortis, sauf pour pelleter la tabarnac d'entrée à chaque fois que le câlisse de sale passe avec son hostie de charrue ! On peut pas aller nulle part. Le char est pris dans une montagne de calvaire de marde blanche. La madame de la météo dit qu'y va en tombé 10 pouces à soir.

28 décembre.
La gouine de la météo s'est encore trompé. On a eu 24 pouces de la câlisse de marde blanche. Si ça continue comme ça, ça sera pas fondu avant l'mois d'août ! La charrue est restée prise dans le banc de neige sur la route et l'hostie d'écœurant qui la conduit est venu frapper chez-nous pour demander s'il pouvait emprunter ma pelle. Après lui avoir dit que j'avais passé au travers 6 pelles pour pelleter tout la marde qu'il m'avait poussée dans l'entrée, j'y ai cassé la 7ième sur sa crisse de tête.

30 janvier.
On a fini par sortir de la maison aujourd'hui. On est allé au magasin pour acheter de quoi manger et en revenant un câlisse de chevreuil s'est braqué devant le char et je l'ai frappé. J'ai pour 3000$ de dommage.
Crisse de chevreuil ! Comment ça se fait que les hostie de chasseurs les ont pas tous tués au mois de novembre ?

1er mai.
J'ai emmené le char au garage en ville. Y'a ben des crisses de trous !
Le tabarnak de char est tout rouillé à cause de l'hostie de calcium qu'ils mettent partout dans les chemins.

30 mai.
On est déménagé en Floride. J'peux pas comprendre qu'il y a du monde assez innocent pour vouloir vivre dans une crisse d'enfer comme le Québec !

jeudi 19 novembre 2009

Où l'on joue du clavecin pennsylvanien

L’Université Laval aime la musique. C’est presque tous les soirs que la salle Henri-Gagnon propose, et gratuitement ou à prix symbolique, des concerts de genres divers où viennent jouer des artistes invités ou des étudiants de la faculté de musique. Il y a de quoi, pour l’étudiant mélomane qui vit en résidence, se sentir comme l’un de ces Esterházy dont la famille possédait un orchestre et Haydn.

La salle Henri-Gagnon. Ressemble un peu à un tableau de Chirico.

Le dernier mercredi offrait un récital de sonates du XVIIIe siècle. Il s’agissait en fait de sonates pour violon & basse continue, puisées dans le répertoire d’Haendel, de Corelli et d’un mystérieux Fesch, où la partie du violon était arrangée… pour contrebasse. Comme on s’en doute, l’effet était assez bizarre, et pas immédiatement appréciable.
Le son plutôt faible de la contrebasse convenait à celui du clavecin, dont le son n’est pas non plus à casser des verres et qui, par conséquent, semble souvent lointain quand il accompagne le violon. Le contraste était moins bon lorsque le contin
uo était joué à l’orgue, lequel avait tendance à noyer les notes les plus graves de l’archet. Après un certain temps d’adaptation, l’ensemble donnait vraiment quelque chose dans les mouvements lents et mélancoliques, mais pas dans les mouvements rapides, où la contrebasse s’engourdissait, s’essoufflait comme une octogénaire tentant de gravir les escaliers, et faisait de la peine à l’auditeur tant elle semblait narguée par les phrases fines et voltigeuses du clavier, qui aurait dû, pourtant, lui être subordonné.


Orgue de chambre.

La musique achevée, il y eut bien quelques curieux, moi dedans, pour aller du côté des instruments et en étudier un peu les mécanismes complexes. Quand on apprit qu’ils n’appartenaient pas aux musiciens, mais bien à l’université, on osa davantage les toucher (c’est avouer qu’on n’avait pas attendu l’information pour le faire), et je me retrouvai bientôt installé au clavecin à jouer ces Tendres Plaintes de Rameau que je potasse depuis bientôt trois ans.
Quel plaisir que de sentir la touche résister légèrement avant de s’amollir, puis le plectre griffer la corde, laquelle est si fine qu’on n’en voit à peine la vibration… Plaisir aussi de pousser les registres, qui déplacent les jeux de sautereaux et permettent de pincer une ou deux cordes à la fois, ou encore – mais cela n’est d’aucun intérêt – d’amuïr totalement l’instrument ! En fait, j’ai ressenti à peu près exactement que je j’avais imaginé ressentir : une impression de délicatesse fragile, toute en douceur.
Je n’ai pas trouvé difficile de jouer les Plaintes comme je les jouais aux piano : mes trilles et mordants se portaient bien, et j’allais jusqu’à retrouver cet infime décalage entre les deux mains que je m’amusais à copier des grands maîtres dans certains accords. Malgré la mécanique très différente et les touches qui, je crois, sont plus étroites, je n’ai même pas éprouvé les difficultés que j’ai habituellement lorsque je passe d’un clavier à un autre.

En rentrant chez moi, j’eus une petite pensée pour Scott Ross, claveciniste fameux qui a enseigné à Laval dans les années 70 et 80, et qui par conséquent, qui sait ? a peut-être promené ses doigts sur cet instrument ci.

Clavecin pennsylvanien.

lundi 16 novembre 2009

Novembre

Depuis quelques jours comme à son début, le mois n’est guère différent des fins d’automne françaises, avec ses arbres décharnés jetés contre un ciel éteint, ses tapis dégoûtants de feuilles mortes, et tout l’ennui de ses bruines interminables qui ne le cèdent jamais à des pluies plus franches, et qui font désespérer de nouvelles neiges.

Selon Marie-France, nous n’avons pas eu d’été indien. Selon Marie-Ève, nous l’avons eu la semaine dernière, même s’il était moins doux que de coutume, et bien qu’il soit généralement le fait du mois d’octobre. Quoiqu’en disent les deux Marie, force est de constater que la semaine passée fut assez singulière : quatre ou cinq jours de suite, le ciel resta impeccable de tout nuage, se faisant l’écran des couleurs du soleil, toujours suaves et changeantes du fait, j’imagine, de sa courbe restreinte à cette période de l’année. L’air n’était pas trop froid, il y eut même quelques téméraires pour s’étaler sur les pelouses comme on faisait en septembre ; le plus agréable était de contempler le déclin rapide de la lumière que les nuages ne relayaient pas, et de sentir, en se promenant, la caresse du soleil sur les parties éclairées du visage, par contraste avec celles que l’ombre préservaient.


La météo, déesse ubiquiste du Québec, mais pas plus fiable qu’en France, n’annonce pas de baisse des températures avant la fin du mois. Je crains qu’il ne faille attendre décembre avant d'accueillir l’hiver. Neigera ? Neigera pas ? Il y a deux ans, les Québécois ont connu, fait rarissime, un Noël vert.

samedi 14 novembre 2009

Où l'on se pâme devant des toiles d'Alleyn et de Lemieux

« Comme les sentiments, les tableaux sont aussi quelquefois contradictoires. Ce sont des lignes de tension… » (Marcelle Ferron)

Le Musée des Beaux-arts de Québec est l’endroit de la capitale des amateurs d’art et autres amateurs d’amateurs d’art. On y prend le ticket de l’exposition permanente, parce qu’on n’a pas envie de se tailler une réputation en allant voir Le Nu dans l’art contemporain ; on se tâte, et puis, attiré par l’idée, on va du côté qui fut une prison ; on entre chez Daudelin, on se dit que c’est un peu fort de café que de nous servir autant de maquettes d’œuvres, et si peu d’œuvres ; on ressort en claquant la porte après avoir violenté les guichetières.
Et puis, un jour, on revient, non pas qu’on soit en manque de nu : d’ailleurs on reprend le ticket de l’exposition permanente, mais cette fois-ci on ne va pas en prison. On déambule un peu, donc, dans les couloirs néo-classique-bizarres du pavillon opposé, et puis on tombe nez-à-nez avec une salle au nom séduisant : figuration et abstraction au Québec (1940-1960) – on y entre, ravi.

Et on a bien raison, car cette exposition est des plus réjouissantes. Sculptures, toiles, mobilier et petits objets s’y côtoient, orchestrés par une scénographie qui appelle à un dialogue subtil entre les œuvres.
A l’entrée, un texte donne un bref aperçu historique de la période. Ensuite, on ne trouve rien sinon des citations d’artistes, parfois en contradiction les unes avec les autres, toujours stimulantes, et participant en tout cela d’une visite non linéaire. Une,tout particulièrement arrive à point après beaucoup de considérations sur la différence entre l’abstrait et le figuratif :

« [« art abstrait » et « art figuratif »] ne sont pas des domaines naturellement en rupture. Au contraire, ils sont un seul domaine continu. C’est une question de degré, non d’espèces. Il y a des œuvres qui sont plus ou moins abstraites, c’est tout. »

Mais tout cela n’est que littérature, venons-en aux œuvres. J’en ai apprécié beaucoup, mais je ne parlerai que de deux toiles en particulier, ce qui sera aussi l’occasion de s’exercer à l’ekphrasis – aussi serez vous conciliants.

Il y a d’abord l’Ombre d’un doute (1959) d’Edmund Alleyn. La toile constitue un assez grand rectangle vertical, badigeonné d’un beige épais tirant parfois sur le vert, et qui pourrit à droite en une tâche presque noire, large et haute, aux contours vers le marron ; à son endroit, la peinture semble plus épaisse encore et forme d’horribles tumeurs, des furoncles, des rides, toujours des reliefs à l’aspect organique et répugnant ; sur tout cela, mais comme au dessus, deux ou trois éclats rouge vif, tout petits, mais piquants à côté de cette ombre énorme et douloureuse. Mais à vrai dire, j’y vois moins l’ombre que le doute lui-même, visible à un niveau cellulaire, comme une mitochondrie qui serait apparu dans le sourd concert organique à la façon d’un trou noir – donc, une pure négation ?-, statique mais attirant tout à lui.

Vient ensuite une autre toile, La fête-Dieu à Québec (1944) de Jean Paul Lemieux. Il s’agit peut être de la toile la plus franchement figurative de l’ensemble. On y voit une procession religieuse défiler dans les rues colorées du vieux Québec, suivie et contemplée par la foule bigarrée, faite d’enfants et de vieux, de bourgeois distants et de masses populaires, le tout plein d’anecdotes.
Je pense qu’on peut parler de peinture naïve : couleurs franches, perspective approximative, psychologie sommaires des personnages (quand on les voit d’assez près). Mais qu’on y regarde un peu mieux, et c’est une œuvre admirablement composée qui se dévoile seconde après seconde. Cette liberté dans la perspective se combine à un point de vue extrêmement bien choisi, qui à la fois donne l’impression d’être derrière une fenêtre, comme les personnages du premier plan apparaissent gros et détaillés, et permet d’embrasser, si l’on excepte le port, tout le vieux Québec ! L’œil, guidé par la ligne sinusoïdale formée par la rue qui suit la procession, et autour de laquelle s’organise tout le tableau, part des remparts qui marquent le début des Plaines, passent sur la rue Saint-Jean et les toits environnants, puis descend vers la place Royale pour se prolonger sur le quai jusqu’où continue puis s’éteint la ville, au pied de la falaise. Quand on sait les reliefs accentués de Québec, on pourrait se dire qu’il y a là un exploit. Or, justement, je ne sais pas si cette toile est « impressionnante » : il me semble au contraire que la magie de cette Fête-dieu vient de ce qu’elle est savante dans sa composition, son travail de la couleur et son mouvement, tout en ayant l’apparence réjouissante d’une œuvre simple, joyeuse et évidente, « naïve » avons-nous dit.

Voici donc, cet inutile article pour vous donnez envie d’aller au Musée des Beaux-arts.

lundi 9 novembre 2009

La dame de la chute Montmorency

Les habitants de Boischatel vous diront qu’on aperçoit quelquefois, quand vient l’automne, une forme blanche et silencieuse errer à l’endroit d’un ancien champ de bataille, avant de s’élancer vers la chute Montmorency, où elle se jette alors parmi les eaux grondantes.
Il y avait dans les environs, vers le milieu du XVIIIe siècle, deux jeunes villageois, Mathilde et Louis, lesquels nourrissaient l’un pour l’autre des sentiments forts tendres, et dont les pères assuraient le mariage prochain. Bien que le secret fût inutile, Mathilde et Louis aimaient à se donner rendez-vous au sommet de la chute : sans doute goûtaient-ils là, environnés de la seule nature, le concert sublime des cascades, dont le vertige devait répondre à celui de leurs sentiments ; mais ils n’étaient pas nés pour être heureux.
La Nouvelle-France était alors plongée dans la guerre de Sept-Ans, et il y eut un jour où les Anglais débarquèrent tout près du village : on requit alors la milice locale pour grossir les rangs français, et comme Louis s’y était engagé, il dut prendre le fusil et faire ses adieux à Mathilde.
On rapporta que la bataille fut longue et pénible, la pluie gâchant la poudre, mais que l’Anglais avait été repoussé. Comme Louis ne figurait pas parmi les miliciens de retour, Mathilde l’alla chercher sur les lieux de la bataille, se gardant de larmes trop précoces comme d’espoirs trop fous, car peut-être était-il simplement blessé ?
Mais elle ne retrouva qu’un corps blanc et sans vie parmi les feuilles mortes et la boue. Quant elle eut fait à son tour ses adieux à Louis, elle perdit toute expression et retourna chez son père. Là, elle prit la robe blanche qu’on avait fait pour son mariage, la mit, et rejoignit une dernière fois le lieu de ses rendez-vous, où sa blancheur éclatante se confondit bientôt avec celle de la chute.