samedi 31 octobre 2009

Marcel Dubé en personne

"Johanne : vous vous lassez de tout, je pense."

A
u-delà de l’intérêt des post et préfaces, il n’est pas tout à fait nul de varier les éditions d’un même texte, s’entend : d’un texte qui ne comporte guère plus de variations que de fautes d’impression, et qu’on a trop souvent lu. En effet, il semble p
arfois qu’offrir un peu de nouveauté physique au texte lui rende, par la même occasion, un rien ou deux de sa fraîcheur première, ce qui n’est pas toujours sans stimuler l’étude qu’on veut en faire. (Alors, on me rétorquera bien qu’il n’y a pas de quoi en faire un fromage, ce à quoi je répondrai : certes, mais je n’aime pas ça.)

Avant-hier, donc, je cherchais à la bibliothèque une nouvelle édition du Temps des Lilas de Marcel Dubé.
La pièce n’est pas mauvaise, je la conseille à qui voudrait s’initier au théâtre québécois.
C’est, disons, un drame psychologique (beaucoup ajoutent : "réaliste") qui n’est pas sans accointances avec le théâtre de Tchekhov. On y retrouve ces personnages dont la légèreté ou le cynisme (celui de Virgile rappelle Vania) ne dissimulent pas longtemps les douleurs, les dégoûts, les vies manquées, prêts à les plaquer au sol dès qu'ils voudront s'en échapper, et aussi cette atmosphère particulière, douce et poétique, mais pesante, et que détermine en partie un lieu affectivement chargé, ancien, et menacé de disparaître - ici, une maison qu'il va falloir céder, comme dans La Cerisaie.
Chez Dubé, je dirais que toute cette esthétique tourne principalement autour d’un thème, un peu sombre, certes : le carpe diem impossible, le lilas trop éphémère pour qu’on en profite assez, et qui ne nous laisse que de quoi le désirer à nouveau.
Alors, la comparaison for
çant, on trouvera peut-être Dubé un peu sucré, et ses ficelles un peu grosses parfois, mais ça reste bon.

Je me décidai donc pour une v
ieille édition à couverture rouge texture cuir. J’ouvre le livre, les pages sentent fort. Et là, sur quoi tombe-je ? Sur ça:

Un certain de mes amis aurait sans doute dit : « mais lol ». Et sans doute, il aurait eu raison, surtout s’il avait vu en même temps ce qu’il y avait de collé sur la page d’à côté, ce que moi n'ai vu que le lendemain, et qui, pour le coup, me fit loler à mon tour :


On voit donc l’intérêt de changer d’édition de temps à autre : on y fait des découvertes surprenantes et l’on apprend à contenir des fous rires en bibliothèques.

mercredi 28 octobre 2009

lundi 26 octobre 2009

A propos de la neige

On ne s’ennuie pas de dire qu’il y a quelque chose de tout à fait factice dans un paysage enneigé, que la neige, trop blanche, trop vierge, en cela sonne faux, voire : en cela n’est pas crédible – comme si, en quelque sorte, on trouvait peu ludique de penser que tout ce qui est dans la nature, par le seul fait d’y être, est naturel.
Dois-je avouer que je ne suis pas tout à fait froid à ce sentiment de toc.

Donc, pour apporter mon flocon à l’hivernal bavardage, je dirais qu’il vient de ce que la neige réfléchit trop la lumière, c’est-à-dire : d’une façon abusive par rapport aux objets qui l’entourent. En effet, on voit qu’elle veut toujours être la première et la dernière à briller quand le soleil se pointe ou décroit, et quand il est à son midi, ses radiations nous éblouissent et nous font rechercher les ombrages qui la bleutent.
Par contraste, elle reste étrangère au monde qu’elle prétend recouvrir, et l’harmonie s’en trouve rompue, le paysage faisant dès lors comme une vaste sculpture toute de détails et de nuances sur laquelle on aurait renversé un gros pot de peinture blanche; et alors, quand bien même la couche parasite s’immisce dans les creux et veut s’approprier les formes, elle ne parvient jamais qu’à s’y superposer vulgairement : tout sous elle croule, s’incline, se fige. Indiscrète, elle aspire à l’approbation du passant, mais ne parvient jamais que le choquer – que cette émotion prenne la forme d’un épanchement libidinal chez les enfants ou d’une indignation outrée chez l'esthète.
Oui, la neige est romantique : c’est-à-dire qu’elle est excessive, d’une beauté toute effusive et douteuse, facile et suborneuse.


Sauf que j’aime bien cette fausseté, justement, cet échec de la neige; c’est ce qui fait son petit charme triste. On dirait un fantôme qui aurait réussi à se substantifier, mais sous une forme grossière – d’où sa virginité – et qui ne parviendrait pas à rejoindre définitivement le monde des vivants, trahie par son rayonnement surnaturel et, très légèrement (juste de quoi rendre le sentiment grisant, en fait) inquiétant.

J’ajouterais aussi une possible banalité, qui est que la neige, comme elle recouvre la saleté et la vieillesse du monde, nous le rend temporairement pur, fraîchement né, sans histoire, et nous offre ainsi le plaisir d’être le premier à le souiller – ou bien, si l’on est d’une âme plus vertueuse, ou baudelairienne, de le contempler dans sa beauté originelle, de derrière la vitre, avec le chocolat chaud qu’on sait, etc.
En même temps, il serait bien étrange d’associer cette dernière posture à la vertu, puisque dans cette idée se retrouve encore l’idée de fausseté, déplacée certes de la neige à son effet, mais bien présente : la preuve en est dans les pays qui négligent leur hygiène urbaine, comme la France, où il y a toujours à craindre, quand on marche dans la rue, que la neige ne dissimule certaine plaisanterie canine.

Mais si la neige, irrémédiablement nous paraît spécieuse, c’est peut-être aussi qu’elle est la seule chose vraie ici-bas, et que c’est tout ce sur quoi elle consent à se poser qui est de mauvais goût : la neige serait ainsi l’occasionnelle révélation du caractère fondamentalement kitch du monde, en même temps que son voile providentiel, susceptible d’initier les purs esprits au Beau du Vrai du Beau.

(Laissez-moi vous rassurer : c’était pour terminer par une cavillation digne des qualités qu’on attribue à son objet. Même si…)


lundi 19 octobre 2009

Des arbres et des gens

Là, j'en profite pour caser une autre image du locus amoenus de Sherbrooke.

La patinoire extérieure de Québec, place Youville, à la sortie de la porte Saint-Jean dont on peut voir le début de l'arcade, et qui scinde en deux parties la rue Saint-Jean, l'une des plus animées de la capitale.

Ici, j'aime le tronc du boulot dont le blanc apporte quelque chose de suave au rouge de l'arbre et du tapis de feuilles sur le chemin.

Un pestacle

Cette année, le théâtre du Trident – principal théâtre de la capitale – a choisi d’ouvrir sa saison avec une création québécoise pur jus, Reconnaissance. Québécoise, l’œuvre est aussi collective : coproduite par le TNT et le Théâtre Nouveau Parking (quel nom étrange…), mise en scène par Michel Nadeau, elle s’est élaborée sur l’alternance de moments d’écriture et d’ateliers d’improvisation – ce fut donc pour moi l’occasion de découvrir un peu la production locale dans toute sa fraîcheur.

Bon, autant le dire, je n’ai pas saisi la particularité québécoise de ce spectacle – du moins, pas sur le plan esthétique. De nombreux papiers assurent que la discordance et l’incompréhension entre père et fils est toujours lourde de symbolisme pour un québécois, mais elle le serait ailleurs aussi, même si d’une autre manière, m’est avis. J’ai vu un spectacle contemporain occidental, disons ; mais je n’ai peut-être pas bien vu – j’ai aimé, c’est l’essentiel.

Mais il vaudrait mieux commencer par dire ce que ça raconte, Reconnaissance. Sauf que l’affaire est bien emmêlée : essayons quand même.
François, jeune metteur en scène obsédé par Hamlet, tombe dans le coma, et dès lors son père n’a de cesse de retrouver ses traces pour tenter de le comprendre, et de le réveiller. C’est le fil principal, mais il croule sous une toile épaisse de fils seconds : l’histoire de la petite amie de François, des membres de sa troupe, de sa mère, du couple qu’elle fait avec le père ; mais aussi l’histoire d’autres personnes mêlés au coma de François : celle de son médecin, ou encore celle de son infirmière, qui ne parvient à faire le deuil de son nourrisson, et qui correspond sans le savoir avec le père via internet. L’enchâssement des espaces temps, créés temps par la construction de la fable que la scénographie, achève de briser toute linéarité.

En quelque sorte, Hamlet est la figure principale de Reconnaissance.
Il est toujours invisible : l’acteur qui l’interprète dans le spectacle de François abandonne le projet avant sa représentation, et parce que François avait décidé d’en répartir le monologue le plus célèbre entre tous les comédiens. Mais en même temps, il est partout, démultiplié, divisé parmi les quêtes identitaires. Hypertextuel, aussi, certaines scènes du spectacle de Nadeau se confondant avec celles de Shakespeare, dont celle du crâne.
Ophélie a aussi sa place, parce qu’elle est le pseudonyme de l’infirmière endeuillée – certains ont même vu le Roi Lear ici ou là.

Au-delà de Shakespeare, ou, disons, par Shakespeare, c’est toute la perle irrégulière du baroque qui vient rouler sur la scène et y lancer ses troubles éclats.
D’abord parce que le théâtre est au cœur du spectacle : théâtre mis en abyme, « le monde est un théâtre », etc., qui amène naturellement au thème de l’illusion : celle de la mère, par exemple, qui se brise lorsque son mari lui révèle qui ne l’a jamais aimé ; l’illusion des rêves, aussi, ceux du père, celui de l’infirmière qui voit son enfant lui parler, ou encore la réalité seconde dans laquelle flotte François tandis qu’il est dans le coma – tout ceci n’allant pas sans les interrogations relatives au degré de réalité de la vie onirique.
On peut aussi parler de la vanité de la vie qui apparaît au fond des culs-de-sac où mènent les interrogations, et de la mort qui lui est liée, et qui là côtoie plus que jamais le sommeil à travers le coma. A tout ça, ajoutons une figure, le fantôme : celui d’Hamlet, nous l’avons déjà évoqué, mais aussi celui du père, qui prétend n’avoir jamais mené qu’une vie fantomatique depuis sa lointaine tentative de suicide – ce qui, évidemment, a été fait exprès par Nadeau pour déstabiliser mon idée de mythe en miroir, puisque du coup le père de François est un fantôme comme celui d’Hamlet.

Pour conclure dans les règles de l’art, je changerai brutalement de sujet en parlant un peu du théâtre du Trident.
Son hall confortable et chaleureux vous accueille si bien qu’on a envie de venir beaucoup trop tôt pour y manger un muffin dans un fauteuil moelleux (ou un muffin moelleux dans un fauteuil) en attendant de se précipiter dans la salle. A la sortie, on s’émoustille aussi de pouvoir voter la qualité du spectacle en glissant son billet dans l’un des trous percés dans le mur du vomitorium – désolé pour ce mot, mais le rituel comme le bouillonnement de la foule à la sortie forçaient l’antiquité. (J'ai voté : "beaucoup".)

Reconnaissance
Texte et mise en scène : Michel Nadeau
Scénographie : Monique Dion
Costumes : Julie Morel

Avec : Lorraine Côté, Claudiane Ruelland,Valérie Laroche, et les autres

dimanche 11 octobre 2009

L'hydrométéore fortuit

Tout le dimanche avait été venteux, mais les choses prirent soudain une véhémence telle qu’il eut été dommage de ne pas avoir choisi cette heure pour sortir.
Je suivais alors une allée du campus, celle qui traverse la petite forêt, quand je vis à une dizaine de mètres devant mois, là où le bois s’éclaircit, les arbres se cabrer, des nuées passer au dessus du sol en brouillards rapides, puis une épaisse et diarrhéique marée de feuilles mortes envahir les dalles et noyer la pelouse, poussée par un vent puissant et vagissant qui, parce que l’air autour de moi n’avait pas cette ardeur, me paraissait plutôt comme une force maligne et rampante.
J’atteignis bientôt ce segment et m’amusai de ne pas réussir à garder mon équilibre, et de peiner dans ma progression, tant en effet le souffle était fort ; sans doute était-il amplifié par la longue et large plaine qui sépare ce côté de l’université en deux ensembles de bâtisses.
Les nuées violemment emportées me fouettaient le visage, et ce n’était pas de la pluie ; quand le vent retomba, on pu distinctement voir qu’il neigeait.
Québec voyait sa première neige ! Imbécile heureux, je me précipitai dans la chambre pour annoncer ma joie à qui était en ligne, et pour trouver ma caméra, avant de m
e rappeler que j’en avais vidé la batterie la veille.
Je suis ressorti, pour voir jusqu’à son t
erme ce spectacle inlassable, dont j’avais eu la chance de vivre l’exorde indécise puis le plein développement ; entre temps, le ciel s’était teinté d’un orange radical, peut-être l’effet du crépuscule voilé par ces précipitations douces et glacées. Elles ne durèrent pas, bien sûr : cinq minutes après, il n’y avait plus rien.


Point de sépia là-dedans : le ciel était comme ça.





Pis là on peut voir un tout petit peu les flocons tomber.

samedi 10 octobre 2009

Sherbrooke [jour]

Javais décidé de me lever tôt pour voir un peu l’aube d’ici ; je suis donc parti de bon matin, sans faire mes adieux à mon hôte comme il dormait encore, et avec l’idée de faire le tour de la ville à pieds.
La traversée du pont Jacques Cartier en fut la première étape.
Je trouvai là quelques vertiges, non que le pont fût très haut, mais j’ai trop vite remarqué, en fait, qu’il était possible de se glisser entre la route et la barrière pour tomber dans le fleuve, et cette imagination, stupide s’il en est, suffit à gâter mon passage.
Mon idée subsidiaire était de tirer profit ma vigueur matinale pour folâtrer un peu dans le bois du mont de Bellevue, jusqu’à en trouver le sommet, que j’avais vu de l’autre rive joliment chapeauté d’un plat nuage. Je m’y suis bien promené, mais je n’en ai jamais atteint le sommet ; je crois que le réseau de sentier dans lequel je m’étais engagé n’y menait juste pas. M’enfin, j'y aurais au moins appris à faire abstraction des écureuils, et découvert quelques animaux inconnus : notamment, un oiseau qui poinçonnait frénétiquement les arbres comme un pic-vert, mais qui était blanc et noir, ainsi qu'une sorte de petite mouche d’un bleu étonnamment clair et qui ne s’ennuyait pas de stagner dans l’air au milieu du chemin.
En montant, j’ai atteint le brouillard, qui donnait aux grands troncs des allures de forêt allemandes pour pochette de disque de musique classique – Schubert, sans doute.
Là, je me suis fait piquer du sang par de nombreux moustiques.

Je voulais absolument passer à nouveau dans le centre-ville, comme un lieu n’est jamais le même si, après l’avoir découvert de nuit, on y revient sous une lumière diurne. Tout m’apparut ainsi plus coloré ; les architectures s’enrichirent de détails, le Granada me révéla des charmes crémeux. Seul n’avait pas changé le désert des rues… Il faut dire aussi que c’était un dimanche matin, et que la ville est étudiante.
Je ne suis pas retourné dans le Subway, lui préférant un endroit qui n’avait, malheureusement, de donuts que dans le nom.
Plus tard, je suis me promené un peu le long de la rivière où sont les nombreux ponts qui s’étaient changés en montagnes russes dans la nuit. L’endroit était vraiment charmant ! Le locus amoenus par excellence. Vraiment, il n’y manquait que le chevalet du peintre romantique et le couple d’amoureux secrets, cachant là leurs sentiments qu’un sinistre père viendrait bientôt contraindre.
Des souvenirs s’emmêlaient à ma rêverie. L’eau calme à l’aspect profond, les talus et les petites falaises sombres aux sédiments apparents, me rappelaient des promenades familiales aux ardoisières, et l’orange vif des arbres faisaient tout à fait comme « la pomme » d’un poème que m’a fait découvrir Janine, « si rouge que le ciel autour d’elle avivait son bleu trop doux » - le jour, en effet, était magnifique. L’amoenus, je disais.

Tout s’est terminé au carrefour de l’Estrie, centre d’achat où je suis arrivé trop tôt par crainte d’y arriver trop tard, comme toujours – j’avais rendez-vous à cet endroit avec la voiture du retour. Je m’y suis considérablement ennuyé, apprenant les marques des voitures pour être en mesure d'identifier la « Honda Civic argent », et observant la progression d’un gigantesque nuage blanc. Je me demandais si, Geoffrey ici, j’aurais été capable de déclarer avec assurance que c’était là un cumulo-nimbus. Et puis, je me suis engouffré dans l’affreux complexe, mais une heure plus tard, en ressortant, je trouvai un ciel noir, une pluie battante et de sourds grondements. Je me suis alors dit que j’aurais dû pousser le jeu jusqu’au bout et y mêler un peu d’argent.

jeudi 8 octobre 2009

Sherbrooke [nuit]

Je suis monté dans la voiture sans trop savoir où j’allais dormir, hormis que ce serait à Sherbrooke, et comme la perspective d’une nuit d’errance urbaine n’était pas pour me charmer*, j’ai pour ainsi dire fait l’économie des préliminaires et, sitôt les premiers contacts établis, ai demandé aux autres passagers s’ils habitaient la ville. Sans doute empruntai-je à ce moment là les manières d’une Quinn Morgendorffer, car la question, semble-t-il, suffit à ce que mon voisin m’offre son toit, moyennant une somme à faire rougir un Formule 1.

La route fut aussi parfaitement droite que celle qui va à Montréal.
D’heure en heure, des forêts défilent sur de faibles montagnes ; régulièrement, il y a un village dont on voit davantage l’annonce que la forme, et puis des motels, qui disent : « vous êtes en Amérique du nord ! »
Enfin, tout à coup, le moteur s’arrête et vous êtes devant l’Université de Sherbrooke. L’absence de transition entre la nature et la ville est si totale qu’il faut entrer assez loin dans ville pour s’y sentir vraiment ; c'est dire alors que la transition ne commence que dans la ville elle-même : on traverse d’abord de larges quartiers pavillonnaires, boursouflés de bosquets et de parcs, et puis la brique remplace le bois, les constructions se serrent et c’est le centre-ville. (C’est du moins l’impression que mon trajet m’a fourni, j’ai vu une zone industrielle au loin pour des entrées moins bucoliques.)

Peut-être l’idée d’avoir un toit redonna-t-elle ses charmes à celle d'errance noctambule, car j’ai finalement donné à la ville une bonne part de ma nuit, plutôt heureux, je crois, de la découvrir déserte et silencieuse, sous la pluie intermittente et la lumière artificielle.
L’eau sur mes lunettes la rendait nébuleuse, ajoutant une inquiétude à celle d’être seul dans l’inconnu et dans le noir. Je cherchais le théâtre du Granada, sans autre raison que la photo d’un ami, et l’idée d’aller au même endroit à des mois d’intervalle, et pour cela je descendais la rue Wellington. Mais au fur et à mesure de ma progression la ville se mourrait, s’épuisaient en architectures moins définies.
J’ai rebroussé chemin et je suis entré dans un SubWay, celui qui est au croisement des rues King et Wellington (la ville s’organise à partir de ces deux axes). Un vieux à casquette, qui se tenait planté devant l’entrée et sous la pluie la première fois que je suis passé devant, y était à présent installé. Une unique employée jouissait du vide des lieux pour paresser un peu, et plus tard, je remarquai la présence de deux adolescentes qui terminaient de manger. Sous la logorrhée radiophonique, le tableau avait quelque chose de stéréotypé et de fascinant, on l’eut peut-être trouvé dans un Lynch ou un Hopper arrangé pour l’occasion.
Il n’a fallut que sortir pour apercevoir le titre blanc et lumineux du Granada.

Savoir que je dormais sous le toit d’un étranger total eut dû me fournir une belle insomnie, mais il n’en fut rien ; il faut dire que j’avais beaucoup marché et que les gibbosités de Sherbrooke valent bien celles de Québec. De cette balade nocturne, je garderais peut-être deux choses surtout : les peintures murales et les trompe-l’œil se révélant tout à coup, au détour d’une rue, ainsi que les ponts divers aux dessus des remous noirs aux écumes légèrement luisantes, ponts se sont mués plus tard, dans mon sommeil, en atroces montagnes russes – ce qui, probablement, fut le tribut requis pour que l’insomnie se taise.

* Il faut atténuer la chose en précisant qu'il y avait peu de chances que les hôtels soient complets. Le coût en revanche aurait été important.

samedi 3 octobre 2009

C'est quoi, ça ?

C'est un suisse, naturellement. C'est tout petit, mais ça fait un bazar du tonnerre. On le sent bien à la façon qu'il a de nous regarder. Et ça ?


Une marmotte, m'a t-on dit. Marmotte urbaine... C'est pas banal, ça. Dommage que je ne sois parvenu à en prendre une meilleure photo.