dimanche 28 février 2010

Ce n'est pourtant pas la saison...



Fleurs de canneberge & son fruit en coupe

samedi 27 février 2010

L'alter ego du Chinook

"Nin nin niiin niiin niiiin."

Sur la route qui mène aux pays des Tri-fluviens, mon conducteur du jour m’a fait le portrait d’un curieux phénomène, le Chinook, pour lequel je me suis empressé d’imaginer un article, parce qu’il m’a plu. Oui mais voilà : il semble que la version de mon conteur soit pour le moins artiste, et que les dires wikipédesques proposent exactement le contraire : la symétrie est si frappante qu’il y a lieu de se demander si mon conducteur ne pensait pas rouler vers Québec en allant à Trois-Rivières…

Le Chinook de sa connaissance est un vent violent, subit et glacial, qui sévit deux ou trois fois chaque été dans les plaines vastes et sèches de l’est de l’Alberta. En l’espace d’une demi-heure, la température, généralement caniculaire à cette période de l’année, chute de plusieurs dizaines de degrés jusqu’à atteindre les régions négatives, avant de remonter tout aussi promptement. Les agriculteurs ne seraient jamais dans les champs sans avoir à portée de main des vêtements d’hiver, mais le phénomène, mal connu, attraperait chaque année une poignée de touristes.

Certes, l’autre Chinook se caractérise aussi par des vents brutaux, mais il ne touche au mieux que l’ouest de l’Alberta, sévit principalement en hiver et, surtout, consiste en une forte hausse des températures, laquelle se réalise plutôt en deux fois une demi-heure. Il s’accompagne en outre de la formation d’une arche nuageuse donnant lieu à d’émouvants crépuscules, et peut faire fondre d’impressionnants volumes de neige en l’espace d’une journée.

Qui faut-il croire ? Sur qui jeter son dévolu ? Mon conducteur roulait peut-être à contresens, mais force est de constater la supériorité poétique de sa description. Des champs jaunes de céréales mûres jusqu’à la ligne d’horizon, sous un ciel impeccable, écrasé par la chaleur et le silence ; et tout à coup, ce courant d’air qui passe sans mot dire et plonge la plaine dans un hiver infernal, pétrifiant l’ignard Européen venu prendre des photos ; vraiment, est-ce que ça ne vaut pas un méchant crépuscule ?

jeudi 25 février 2010

Trois-Rivières

Je descends là par un matin de neige, du côté des industries, et il n’y a personne. Le désert, le silence, les usines arrêtées, le train immobile sur le chemin de fer, et la neige sur tout ça, confèrent aux lieux une sorte de poésie russe probablement issue d’une idée surfaite des villes mortes de Sibérie, mais qui n’est pas pour me déplaire. Assez rapidement les structures de métal et les wagons s’effacent au profit de bâtisses résidentielles plus coquettes, où semblent dominer le rouge et le blanc, et la brique, cela avec des églises et des cathédrales aux toits vert-de-gris. Aux environs de onze heure il n’y a pas beaucoup plus de Tri-fluviens dans le centre-ville que du côté des usines, et toujours le même silence, qui me plait.

Le centre-ville est assez joli et donne sur le Saint-Laurent ; on peut le contempler à partir d’une promenade qui en été doit être agréable et donner l’impression d’être sur le pont d’un navire, ou quelque chose comme ça. La vue est belle : le fleuve est vaste, la rive lointaine, la lumière partout ; à gauche, un gros bateau rouge semble attendre depuis des mois ; sur l’eau, de petits morceaux de glace progressent lentement ; à droite, l’arc élégant du pont Laviolette clôture le panorama. Quand vient la fin d’après-midi, la lumière jaune enveloppe comme un gaz ce grand paysage presque entièrement fait de ciel et d’eau.

J’ai froid et je veux un grand café. J’entre quelque part et je suis surpris d’y trouver autant de monde : c’est comme si je venais d’entrer dans la ville pour de vrai. Mais le silence ne cède qu’à de discrètes conversations, la plupart des gens sont seuls et ne parlent pas. Je pose mes mains froides sur les flancs chauds de la tasse.

Le musée du Parc est installé dans un vieux manoir dont le premier propriétaire n’a pas été oublié. C’est donc un musée dans un musée : on y découvre la vie quotidienne d’un prestigieux colon et les créations picturales d'une poignée de jeunes artistes. J’ai aimé les photographies et les vidéos d’Andrea Juan, l’un des membres du projet « Antartica : espace et fragilité ». Elle filme et photographie un personnage enrobé de tissu rouge vif qui se traine et danse sur les glaces antarctiques. Le rouge se répand quelquefois sur d’autres éléments : dans certaines images, on voit des icebergs rouges dériver sur de l’eau noire. Il y a aussi plusieurs photos de paysages parsemés de petits soleils souriants, tous identiques et comme sortis d’un dessin-animé pour enfants. Les soleils sont partout : sur la banquise, sur les icebergs, ou bien concentrés dans un espace clairement délimité. Ils sont angoissants, on dirait une infection virale ou alors un délire, au sens fiévreux du mot.

lundi 15 février 2010

Le rouge et le rose

Il semble que cette fête inventée jadis pour les princesses en mal d’hiver, la Saint-Valentin, soit au Québec beaucoup plus goûtée qu’en France, ce pays qui est pourtant, comme on le sait, le pays de l’Amour. Je n’ai pas la moindre preuve pour appuyer mon hypothèse, si ce n’est que je n’ai jamais vu, en aucun restaurant de lycée ou d’université, un repas nommé « Spécial Saint-Valentin », sauf ici.

Le scandale n’a pas eu lieu : le repas avait plus d’un tour dans son sac : loin de se réserver aux seuls couples, il se proposait aussi, démagogique, à tous les célibataires, aux puceaux, aux veilles gens, et à tout ce que la terre porte encore de sagesse et de stoïcisme. Si je m'en veux, c'est parce que je me suis laissé corrompre quand la lutte était de mise. Mais que pouvais-je faire contre cette petite crème à l'eau de rose et à la framboise ? Probablement rien, c'est pourquoi je l'ai mangé. (Pour la punir, disons.)

vendredi 12 février 2010

jeudi 11 février 2010

New York

42e rue, je suis encore seul dans New York, je cherche le théâtre du film de Louis Malle, sans trouver. L’a-t-il jamais tourné 42e rue, son film ? C’est une bouche de métro que je cherche, le reste viendra tout seul… Rien. Pourtant, ce que j’ai de souvenir correspond bien à cette ambiance : bazar, devantures garnies d’ampoules, rythme et couleurs de la foule. Il y a même la lumière de fin d’après-midi : or orangé, gazeuse ou bien liquide.


Dans les fast-foods, une table court tout le long de la vitrine. Les gens s’installent à vue de tout le monde, et mangent. Ainsi, on marche dans New York ; il y a une vitrine pleine de sacs à main, puis une vitrine pleine de mannequins, puis une une vitrine pleine de gens qui mangent. Mais je ne sais toujours pas pourquoi je pense à Charlie Chaplin.


Le quartier chinois de New York est beaucoup plus chinois que celui de Montréal ; on passe une rue ou deux, et puis, ce n’est pas tant que la foule diminue ou grandit, mais il n’y a quasiment plus que des Chinois, ou du moins des asiatiques, et cela sans que la transition – ou la rupture ? – ait été remarquée. C’est moins vrai de l’architecture qui, me semble-t-il, se sinise assez subitement : consoles, écritures verticales, rouge. Parfois, ce n’est qu’une simple variation de contenant, pour un même contenu : Mc Donald, ou Starbucks. Pour s’en distraire, on entre dans une épicerie orientale, pleine de choses transparentes et gélatineuses, de plaisirs invisibles et de gingembres confis, qu’on avale plus ou moins goulument contre une nuit trop courte.


Little Italy. D’abord, une rue saturée de rouge, de vert, de blanc, et toutes les couleurs qui déteignent dans l’air. Le gonflent, l’envahissent, et sont, plus que jamais, lumière. Mais seulement le temps que l’œil s’y accommode : comme un tableau trop plein de rouge apparait, la première fois, tout rouge.


Un ciel bas de neige en suspension répand la lumière de tout côté, annule les ombres. Les pro-fondeurs disparaissent, les premiers plans, les seconds ; on dirait le dessin d’un enfant qui n’a pas voulu colorier le ciel trop large, et laisse tel quel le blanc corrosif de sa feuille d’imprimerie. L’appareil photo est victime de la même paresse, on croit que c’est la fin du monde derrière les gratte-ciels.


A la proue du vaisseau Manhattan, une jeune étudiante voudrait to stroll le long de la promenade parquetée qui donne sur la mer, la Statue et le soleil foncé. Mais un vil assène à sa poésie un mé-chant mot français, et d’une mauvaise rime l’arrache à ses vœux.


Quelque part dans la rue qui longe le nord de Central Park, la nuit, un raton-laveur fouille dans une poubelle, passablement indifférent aux promeneurs. Las, il rentre chez lui la queue très basse, et le dos rond comme un mauvais chat.

samedi 6 février 2010

En route

Vendredi.

9h38

L'autobus a franchi la frontière il y a une demi-heure, peut-être. Ce ne fut pas une mince affaire, mais je m’en suis sorti sans encombre. Nous roulons vers le sud, donc, et la neige disparait petit à petit… Il n’y a plus que des pelouses brûlées, poudrées ou tachetées de neige ; des nappes de neige, de temps en temps. Et cela dans l’or clair d’un matin au ciel à peu près pur. J’ai vu des fermes aux bâtiments étales et démesurés, tout rouge et bordés de blancs, avec des silos en aluminium, entièrement comme on les imagine quand on pense aux campagnes américaines. Hormis tous ces détails, le paysage n’a guère varié depuis que nous sommes sortis de Montréal ; peut-être comporte-t-il plus de reliefs. Nous nous dirigeons d’ailleurs vers de vieilles montagnes, assez belles vues de l’autobus, et qui pourraient bien être les Appalaches. Cependant, nous sommes encore loin de New York : nous y serons, si tout va, à 16h30.

11h27

Les Appalaches n’étaient en fait qu’un massif montagneux dont nous sommes sortis depuis un certain temps, maintenant. Il semblait complètement vierge : pas une habitation, pas le moindre édicule, seulement des forêts de conifères, des lacs gelés et tachés de neige, des sculptures de stalactites sur le moindre rocher. J’ai vu quelques petites agglomérations depuis – une dizaine de pavillons, parmi les arbres – et beaucoup de drapeaux américains. J’en ai même aperçu un planté sur un rocher, en plein désert : impossible de ne pas savoir où l’on est.

Je crains de me joindre bientôt au chœur hurlant des vessies : j’espère que je pourrais descendre à Albany, sans quoi ma première préoccupation à New York sera inévitablement de me trouver un café, bar où n’importe quel endroit susceptible de m’offrir un lieu de libations.

12h05

Il faut faire une croix sur Albany : nous n’avons pas même traversé la ville. J’attendrai, donc : encore quatre heures et demi.

C’est étrange, cette herbe jaune saupoudrée de neige. On dirait qu’il a neigé en été. Le ciel est toujours bleu clair, lumineux, bleu de janvier, en fait, mais nous arrivons sous un troupeau de légers cumulus, encore tout étincelants mais légèrement sombres à la base.

12h28

Ma première visite aux Etats-Unis aura été celle d’une station service ; j’avais été surpris de trouver un Starbucks dans le restaurant de mon université, je l’ai été davantage encore dans trouver un dans un tel lieu. Outre cela, j’ai noté la variété des barres sucrées vendues dans l’épicerie, dont les trois-quarts des marques m’étaient inconnus. A côté de cela, des sandwichs emballés et des salades en boîte ; on y vend aussi des luettes, des livres qui ont tous un titre en relief brillant comme des lèvres glossées, et des gadgets dont je n’ai pas compris la fonction. Aussi, pour que vous dégagiez le passage, les gens ne disent plus « pardon », mais « sorry ».

Vers 14h00

Et puis, tout à coup :




Samedi.

00h00

Nous étions dans le New Jersey lorsque, le temps d’un sommet de colline, l’ombre de Manhattan s’est détachée au loin, irréelle, la silhouette de l’Empire State Building se détachant nettement parmi ses masses verticales. Plus tard, il y eut un tunnel, et après de longues minutes de nuit l’autobus est apparu en plein Manhattan, parmi les immeubles et les couleurs, dans le jour magnifique. Et j’ai fait mes premiers pas sur la 42e rue.