Watteau ! que je vous aime, Autran, ô Millevoye ! » (E. Nelligan)

Carnet de bord d'un étudiant en choses et autres parti s'installer pour un an au Québec. A la carte : de la neige, des bleuets, des rongeurs.

Avec, si je ne m’abuse, douze sons supplémentaires, la palette phonétique du français du Québec est d’un tiers plus fournie que celle de Paris*, comprenant un grand nombre d’allophones et un autre, plus petit, de phonèmes que ne connait pas ou plus, ou presque plus, le vieux pays de France.
Voyelles
-Certains dialectes***, comme celui de Montréal, utilise le r roulé, [r], à la place du r de Paris ou de Québec, [ʁ].
Ci-dessus : reconstitution de la bataille des Plaines par Akira Kurosawa
La bataille des Plaines d’Abraham scelle la fin du Canada français. Le Royaume de France, épuisé par une guerre qu’il mène aussi en Europe et en Inde, choisit d’abandonner sa colonie américaine, approuvé par les mots d’un Voltaire qui continue de distiller l’amertume dans les esprits québécois : « Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu'elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut. » (Candide)
N'empêche. A l'époque de Montcalm, la moitié de l'Amérique du Nord était française. Les possessions du roi s'étendaient du Québec à la Lousiane, en passant par le Mississipi et tous ses affluents. P'tête ben que, si les français avaient gagné la bataille, tout le monde lirait Voltaire dans le texte, en Amérique.
Le trois-quarts de mois passé au Québec n’aura accusé qu’un seul jour de pluie, je crois. Nonobstant cette averse, c’est depuis la fin du mois d’août un soleil perpétuel, tantôt solitaire dans son ciel bleu, tantôt accompagné de légers cumulus.
Je conviens que cette photo ferait sans doute une vignette idéale pour décorer ses cabinets dans un style un peu rétro, mais d'une manière ou d'une autre, il semble que la publication d'images ici les dégradent considérablement, et la médiocrité de mon appareil n'aide pas non plus à donner idée des jolies nuances de ces deux arbres. Je tenterais peut-être, la prochaine fois, de me contenter de gros plans, moins réfractaires à la mise en ligne que les vues d'ensemble.
L’Université Laval est la 4e plus ancienne des universités nord-américaines, c’est-à-dire qu’elle est très jeune si on veut la comparer à ses homologues européennes. Fondée en 1852 et construite dans ce qui allait devenir le « quartier latin » de Québec, l’Université Laval est une progéniture de la reine Victoria et du temps où le Royaume-Uni pouvait encore faire ses pâtés de sable dans son joli dominion. Cependant, la petite histoire, si gentille puisse t-elle paraître avec ses petites tresses, est en réalité truffée de nid-de-poules..jpg)
La thèse de la systématicité des rencontres hommes / ours lors de promenades sylvestres ne tiendrait pas si c’était là mon unique référence, aussi dois-je faire le récit de ma seconde expérience pour pouvoir appuyer la loi que j’ai énoncé en premier lieu.
Il y eut en effet un retour à Québec avec d’autres petites histoires pour voyage en stop. Cette fois-ci, la rencontre oursonne fut le récit d’une autre passagère, une étudiante en sciences compliquées qui s’amusait de n’avoir encore jamais rencontré ni baleines ni belugas depuis le temps qu’elle vivait au Québec, quand le moindre touriste français – sauf moi – lui disait en avoir aperçu.
La pauvre – je ne sais pas son nom - avait une peur préalable des ours, et on avait dû lui assurer qu’il n’y en avait pas dans la région avant qu’elle ne se décide à se promener dans la forêt du lieu où elle était. A coup sûr, la région en question devait manquer de bonnes histoires, car il fallut que la jeune étudiante trouvât un ours sur son chemin tandis qu’elle était seule. S’en remettant elle aussi à son instinct, mais imprégnée tout comme mon premier chauffeur par l’éducation qu’on lui avait donné, elle choisit non pas de charger la bête mais de crier très fort. Et il faut bien avouer que cette méthode fut tout aussi efficace que son pendant viril, car l’ours, irrité peut-être par la hauteur des sons générés, débarrassa le chemin et laissa la vie sauve à la jeune étudiante, honnête compensation pour l’acquisition d’un traumatisme à vie des promenades dans les bois.
De ces deux histoires, plus qu’une simple fréquence, il faut tirer une morale : quelque soit votre sexe, et quelque soit votre âge, sachez qu’il y aura toujours un ours pour vous rencontrer lorsque vous vous promènerez dans la nature. Il sera toujours là où vous ne vous y attendiez pas : derrière votre dos si vous pliez bagages, sur votre chemin si on vous a dit que l’endroit était «sécuritaire».
Est ursida semper.
Il y a toujours un ours. D’où d’ailleurs que les québécois ne disent plus « il y a anguille sous roche », mais « il y a ours sous roche », puisque, si les français rencontrent sans cesse des anguilles, les québécois, eux, n’ont de cesse de rencontrer des ours.
C’était une petite maison rue Sainte-Anne, « au centre du Vieux-Québec », avec un chat tout doux et tout craintif, des bruits de sabots provenant de la rue, un petit jardin où jouaient des écureuils et des hôtes on ne peut plus accueillants. J’ouvrais la porte, et c’était des architectures sorties de quatre siècles, puis la rue Saint-Jean, puis les vieux remparts. Quelques pentes, et je prenais un sandwich fait dans un croissant, une barquette de bleuets au Vieux-Port, une photo du ciel sur les toits de Québec, le bus pour aller voir ceci cela, ceux-ci ceux-là, ou la voiture pour aller à Montréal.