jeudi 25 février 2010

Trois-Rivières

Je descends là par un matin de neige, du côté des industries, et il n’y a personne. Le désert, le silence, les usines arrêtées, le train immobile sur le chemin de fer, et la neige sur tout ça, confèrent aux lieux une sorte de poésie russe probablement issue d’une idée surfaite des villes mortes de Sibérie, mais qui n’est pas pour me déplaire. Assez rapidement les structures de métal et les wagons s’effacent au profit de bâtisses résidentielles plus coquettes, où semblent dominer le rouge et le blanc, et la brique, cela avec des églises et des cathédrales aux toits vert-de-gris. Aux environs de onze heure il n’y a pas beaucoup plus de Tri-fluviens dans le centre-ville que du côté des usines, et toujours le même silence, qui me plait.

Le centre-ville est assez joli et donne sur le Saint-Laurent ; on peut le contempler à partir d’une promenade qui en été doit être agréable et donner l’impression d’être sur le pont d’un navire, ou quelque chose comme ça. La vue est belle : le fleuve est vaste, la rive lointaine, la lumière partout ; à gauche, un gros bateau rouge semble attendre depuis des mois ; sur l’eau, de petits morceaux de glace progressent lentement ; à droite, l’arc élégant du pont Laviolette clôture le panorama. Quand vient la fin d’après-midi, la lumière jaune enveloppe comme un gaz ce grand paysage presque entièrement fait de ciel et d’eau.

J’ai froid et je veux un grand café. J’entre quelque part et je suis surpris d’y trouver autant de monde : c’est comme si je venais d’entrer dans la ville pour de vrai. Mais le silence ne cède qu’à de discrètes conversations, la plupart des gens sont seuls et ne parlent pas. Je pose mes mains froides sur les flancs chauds de la tasse.

Le musée du Parc est installé dans un vieux manoir dont le premier propriétaire n’a pas été oublié. C’est donc un musée dans un musée : on y découvre la vie quotidienne d’un prestigieux colon et les créations picturales d'une poignée de jeunes artistes. J’ai aimé les photographies et les vidéos d’Andrea Juan, l’un des membres du projet « Antartica : espace et fragilité ». Elle filme et photographie un personnage enrobé de tissu rouge vif qui se traine et danse sur les glaces antarctiques. Le rouge se répand quelquefois sur d’autres éléments : dans certaines images, on voit des icebergs rouges dériver sur de l’eau noire. Il y a aussi plusieurs photos de paysages parsemés de petits soleils souriants, tous identiques et comme sortis d’un dessin-animé pour enfants. Les soleils sont partout : sur la banquise, sur les icebergs, ou bien concentrés dans un espace clairement délimité. Ils sont angoissants, on dirait une infection virale ou alors un délire, au sens fiévreux du mot.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire