mercredi 9 décembre 2009

Première tempête de neige

Dimanche dernier, c’était encore une dépression en développement au-dessus d’un Colorado lointain, mais dont on prévoyait déjà qu’elle serait poussée par les vents du sud, et que, s’acheminant ainsi vers l’est du Canada, elle prendrait de contrées en contrées davantage de puissance, pour en atteindre le dernier seuil à l’abord des régions de Montréal et de Québec. Tant attendue, tant redoutée, la voici, la tempête de neige, la première de l’hiver, et la fin de l’automne ! Et jamais je n’ai suivi d’aussi près un phénomène météorologique.

Proust – comme nous ne sommes pas à la Réunion et qu’il y a des plaisirs qu
’on manque à ne pas avoir de cyclones, nous aurons bel et bien la fantaisie de nommer nos tempêtes de neige – a le mérite d’avoir été ponctuel, comme en effet on l’annonçait pour aujourd’hui et qu’il n’y a pas manqué ; sa venue fut d’autant plus théâtrale que les jours précédents avaient été calmes et lumineux.

7h30.


J’ouvre les rideaux : le ciel est gris, le vent s
emble assez fort, mais pas tant que ça. Le petit « météo média » en bas de l’écran de l’ordinateur indique qu’il fait -7° et qu’il tombe une « faible neige », ce qui est tout à fait faux, et d’ailleurs je m’offusque. Je m’en vais m’enfermer dans un amphithéâtre pour un examen.

8h30.

Le professeur de linguistique, dont la neige, en trente-trois ans de carrière, n’a jamais interrompu le moindre cours, arbore un grand sourire de vainqueur et distribue ses copies. « La tempête, c’est après mon cours, mais jamais pendant. »

10h00.

Je sors de mon examen en espérant d
écouvrir, à travers la première fenêtre venue (mon amphithéâtre n’en avait pas) un gros tapis blanc et des gens emportés par les vents furieux ; mais, comme on s’en doute, il n’y avait rien à cette heure. Je sors, je note le bruit sec que font les feuilles mortes qui roulent sur le sol gelé, et les gens qui parlent ou jurent à propos d’une tempête qui doit s’être attardée dans une boutique-souvenirs à Montréal. Je vais à la bibliothèque.

Vers 12h40.

Deux ou trois flocons, puis rien ; et puis, deux ou trois à nouveau, mais suivis cette fois, et bientôt la musique se fait plus régulière, il commence à neiger, et de plus en plus fort.

Plus tard.

Le vent est trop vif et le sol trop sec pour que la neige s’y accroche, les dépôts sont ainsi balayés et font de petites brumes affolées au-dessus du sol, lesquelles donneront bientôt la « poudrerie » dont le tocsin sonne depuis ce matin sur météo média.



Et un peu plus tard...

Le tapis se forme nonobstant.



Vers 16h00.

Je quitte la bibliothèque et veux rentrer chez
moi ; évidemment, il est hors de question d’emprunter les couloirs souterrains. Dehors, la bordée m’arrive jusqu’aux chevilles, et parfois plus haut, comme le vent la rend irrégulière et forme des dunes à partir du moindre relief. Le vent est violent et glacial, plein de poudrerie, il faut marcher la tête baissée et chaque pas est un effort ; non loin de moi, une fille qui progresse aussi mal que moi, me voit et se met à rire, et c’est bien sûr contagieux. Il n’y a pourtant pas de raisons pour, sinon peut-être – elle est sans doute toute imaginaire – celle que nous en soyons tout coup là, à jouer les explorateurs polaires de seconde zone juste pour rentrer chez nous, alors qu’hier encore tout était vide, et la nature indifférente.
L’his
toire de Proust n’est pas finie. Il est né au-dessus du Colorado, il a fait des orages et des tornades dans l'est des Etats-Unis, et il poursuit son développement monstrueux en déversant ses neiges et ses vents sur le Québec ; nous en reparlerons peut-être, et vous laissons sur un portrait de la bête.

Proust, tel qu'il était mardi.

Oh, quittons-nous plutôt sur un portrait de moi, parce qu'on ne m'a pas assez vu ici depuis un certain muffin, et parce que cela fait un prétexte pour ajouter là une image enneigée ; voici.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire