samedi 19 décembre 2009

In french, please.

Soit qu’elles sont comiques, soit qu’elles n’existent pas, les indications sont assez peu satisfaisantes au Québec pour qu’on en vienne souvent à demander son chemin et, se faisant, à multiplier les anecdotes. J’étais ainsi à Montréal et tout frais sorti de la très parisienne station : Champ-de-Mars, et j’avais dans l’idée de rejoindre le bord du Saint-Laurent en même temps que je ne savais pas de quel côté partir : d’où que j’en vins, une fois de plus, à couper le galop du premier passant venu pour lui demander mon chemin.
Je lui fis une question bien française et la mieux tournée du monde, mais il y a fort à parier qu’il ne la comprit pas, comme il me répondit, sitôt mon point posé :

-In english, please.

On n’est pas longtemps a Montréal sans comprendre qu’un bon bout de Canadiens n’y comprennent pas un traitre mot de français, et comme ce n’était pas la première fois – oh, loin de là ! - que mon guide d’un instant ne le connaissait pas, et qu’on n’est jamais trop malheureux de s’essayer à d’autres langues, je me reformulai bien vite en latin :

-Do you know where is the river?

La magie opéra : j’eus de suite ma réponse, et nos chemins se délièrent sur un sonore “thank you so much”, que je regrette à présent. Parce que ce monsieur, dont les intentions n’étaient sans doute pas mauvaises, n’a pas dit : “I don’t speak french, do you speak english ?”, il a dit :

-In english, please.

On se souvient de cette dissertation que fit un Allemand du XVIIIe siècle pour montrer qu’il en va du bon cholestérol que de parler français, que cette langue a fait des enfants à la Vérité et qu’on a avantage à la répandre autour de soi comme Sganarelle le tabac. L’anglais aurait-il à ce point récupéré ces vertus qu’on puisse l’exiger de tout un chacun en n’importe quelles circonstances, et quand bien même on ne serait pas en pays tout-à-fait anglophone ? Serait-ce risquer un ridicule que de douter que son interlocuteur le connaisse, assez pour employer l’impératif ? C’est bien plutôt le Montréalais francophone qui devrait répondre à ses interlocuteurs : “en français, s’il vous plaît”, parce que c’est encore le Québec ici, et parce qu’il en va de la survie de sa langue dans la plus grosse ville de son État où, me dit-on, elle régresse comme neige au soleil – gros tas de neige, certes.
Certains le font sans doute ; mon hôte, en tous cas, dit ne pas répondre aux Montréalais qui ne lui parlent qu’en anglais : quoiqu’il y ait une violence certaine à refuser de répondre dans la langue de son interlocuteur tout en exigeant qu’il en apprenne une autre, je crois que c’est ici plus sage que de se montrer civil, du moins dans les aires cosmopolites où, comme ici, une langue officielle mais fragile commence à reculer face a un géant qui, osons-le, n’a pas besoin d’être défendu.


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