jeudi 19 novembre 2009

Où l'on joue du clavecin pennsylvanien

L’Université Laval aime la musique. C’est presque tous les soirs que la salle Henri-Gagnon propose, et gratuitement ou à prix symbolique, des concerts de genres divers où viennent jouer des artistes invités ou des étudiants de la faculté de musique. Il y a de quoi, pour l’étudiant mélomane qui vit en résidence, se sentir comme l’un de ces Esterházy dont la famille possédait un orchestre et Haydn.

La salle Henri-Gagnon. Ressemble un peu à un tableau de Chirico.

Le dernier mercredi offrait un récital de sonates du XVIIIe siècle. Il s’agissait en fait de sonates pour violon & basse continue, puisées dans le répertoire d’Haendel, de Corelli et d’un mystérieux Fesch, où la partie du violon était arrangée… pour contrebasse. Comme on s’en doute, l’effet était assez bizarre, et pas immédiatement appréciable.
Le son plutôt faible de la contrebasse convenait à celui du clavecin, dont le son n’est pas non plus à casser des verres et qui, par conséquent, semble souvent lointain quand il accompagne le violon. Le contraste était moins bon lorsque le contin
uo était joué à l’orgue, lequel avait tendance à noyer les notes les plus graves de l’archet. Après un certain temps d’adaptation, l’ensemble donnait vraiment quelque chose dans les mouvements lents et mélancoliques, mais pas dans les mouvements rapides, où la contrebasse s’engourdissait, s’essoufflait comme une octogénaire tentant de gravir les escaliers, et faisait de la peine à l’auditeur tant elle semblait narguée par les phrases fines et voltigeuses du clavier, qui aurait dû, pourtant, lui être subordonné.


Orgue de chambre.

La musique achevée, il y eut bien quelques curieux, moi dedans, pour aller du côté des instruments et en étudier un peu les mécanismes complexes. Quand on apprit qu’ils n’appartenaient pas aux musiciens, mais bien à l’université, on osa davantage les toucher (c’est avouer qu’on n’avait pas attendu l’information pour le faire), et je me retrouvai bientôt installé au clavecin à jouer ces Tendres Plaintes de Rameau que je potasse depuis bientôt trois ans.
Quel plaisir que de sentir la touche résister légèrement avant de s’amollir, puis le plectre griffer la corde, laquelle est si fine qu’on n’en voit à peine la vibration… Plaisir aussi de pousser les registres, qui déplacent les jeux de sautereaux et permettent de pincer une ou deux cordes à la fois, ou encore – mais cela n’est d’aucun intérêt – d’amuïr totalement l’instrument ! En fait, j’ai ressenti à peu près exactement que je j’avais imaginé ressentir : une impression de délicatesse fragile, toute en douceur.
Je n’ai pas trouvé difficile de jouer les Plaintes comme je les jouais aux piano : mes trilles et mordants se portaient bien, et j’allais jusqu’à retrouver cet infime décalage entre les deux mains que je m’amusais à copier des grands maîtres dans certains accords. Malgré la mécanique très différente et les touches qui, je crois, sont plus étroites, je n’ai même pas éprouvé les difficultés que j’ai habituellement lorsque je passe d’un clavier à un autre.

En rentrant chez moi, j’eus une petite pensée pour Scott Ross, claveciniste fameux qui a enseigné à Laval dans les années 70 et 80, et qui par conséquent, qui sait ? a peut-être promené ses doigts sur cet instrument ci.

Clavecin pennsylvanien.

2 commentaires:

  1. Je t'envie terriblement ;j'en ai jamais vu en vrai, avoir pu les toucher en plus... Je ne connais pas Fesch... Moi en tout cas je suis allée à un récital de violon et piano au programme la sonate en mi mineur de Mozart, et celle en ré mineur de Brahms que j'adore tout simplement, et une sonate remarquable de Poulenc.

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  2. Phrase péremptoire du jour : t'inquiètes, le violon c'est quand même mieux que le clavecin, même si les sonates de Mozart [...] même si ça passe mieux avec du chocolat Poulenc.
    Bref. :o)

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