dimanche 21 mars 2010

Art Gallery of Ontario

Populeux, sonore, moderne, tout à l’image en fait de celui du Louvre, le hall de l’Art Gallery of Ontario, le plus grand musée de Toronto avec le Royal Ontario Museum, permet de retrouver jusqu’à cette impression tout-à-fait troublante de pénétrer un grand parc d’attractions. Difficile de ne pas lire sur les visages la pénible soumission au devoir culturel, jamais trop compris, et dont le corollaire est l’ennui plus souvent que le plaisir ; ou alors l’anxiété de ne pas savoir à quoi s’attendre, du risque de ne pas trouver la révélation qu’on attend, de ne pas être sensible – sensible bien comme il faut, chez le snob, mais aussi sensible pour de vrai, consentant, une peur qui a peut-être une parenté avec celle de ne pas jouir, mais je m’égare.


Deux découvertes fortes.
Rodin, d’abord, que je n’avais jamais appréhendé vraiment. La Gallery en possède notamment une petite Eve en pierre blanche* et un Adam gigantesque, en bronze je crois. C’est l’Eve tout particulièrement qui m’a fasciné : la pierre est si pure qu’on la croirait faite dans un nuage, et dans mon souvenir la lumière qu’elle renvoie la nimbe très légèrement ; seule, à la cuisse, une petite veine bleu ou noire empêche de parler d’une vision éthérée. Eve est figée à l’instant de la honte, son visage n’est pas enfouit dans la pi
erre de son bras mais il est impossible à l’œil spectateur d’y avoir accès. Mais il y a aussi une grande sensualité, à cause de la main qui passe dans les cheveux, des bras qui dissimulent les seins en les embrassant, et de la texture de cette pierre qui semble si douce, d’où un certain malaise moral, peut-être, une contemplation comme mise en porte-à-faux avec elle-même.

He
nry Moore, le lendemain, que je ne connaissais pas du tout. Ce n’est pas venu tout de suite, ces grandes sculptures massives m’ont d’abord parues tout-à-fait hermétique. Et puis, l’une d’entre elles s’est ouverte, je ne sais plus laquelle mais c’était une femme allongée sur le côté. On touchait à quelque chose de très lointain, comme à une note fondamentale de la représentation de la femme dans toutes les cultures occidentales depuis le fin fond de l’antiquité. Cette note à fait éclore plusieurs autres sculptures après, mais pas toutes. Oh, je vois que je n’ai rien à dire qui ne soit qu’imagination, alors je me contenterais de vous inviter, si un jour l’occasion se présente, à prendre le temps d’apprécier Moore. « Il y a quelque chose. »


Une sculpture d'Henry Moore devant l'hôtel de ville de Toronto.

Tandis que je marchais entre les sculptures, le gardien de la salle s’est approché dans l’intention de discuter avec moi. J’ai regretté de ne pas savoir assez l’anglais pour ne pas rompre un possible, celui d’un beau moment peut-être.

* Il semble en fait que l'œuvre définitive soit en bronze.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire