dimanche 10 janvier 2010

Quid novi ?

Il y a cet avantage à voyager seul qu’on y perd plus facilement ses marques, et qu’on s’en trouve ainsi confronté moins médiatement à l’inconnu qu’on espère, quand celui qui voyage entouré a plus de peine, sans doute, à ne pas voir ce qu’il découvre de derrière les vitraux d’un intérieur familier. Quoique cette idée soit suspecte dans sa simplicité, et que je ne l’écrirais pas si je ne l’écrivais maintenant, elle répond bien à l’état d’un sentiment compliqué qui s’est produit deux fois, lorsque deux fois un entourage familier, mais quitté depuis longtemps, s’est refait autour de moi, investissant un monde où j’étais arrivé seul, et bouleversant par là les nouveaux repères que j’y avais tracé.


Québec n’était plus Québec après que Marine y fut passée, parce que cette ville, que j’avais envisagée sans compagnie préexistante, prit alors dans ses couleurs et sa musique une tonalité amie qui la changea toute entière, comme un secret que l’on partage : une large tranche de tout ce qui était le privilège de ma connaissance se changea en un bizarre morceau de Paris. L’expérience se réitéra un peu plus tard, quoique d’une manière toute différente, mais avec davantage d’ampleur, lorsque ma famille vint à son tour : Québec à nouveau se modifia de leurs regards et de leurs voix trop connues, ainsi que Montréal et plusieurs autres paysages, et depuis je ne suis plus vraiment dans le pays que je voulais connaître seul.



Je voudrais avoir le talent de mieux décrire cela, en même temps que ce sentiment est peut-être trop peu fermenté pour se dire comme il faut, mais j’ai trop peur qu’il ne m’échappe tout-à-fait si je n’en dit rien maintenant. Ainsi : ce dont je suis sûr à cette heure, et bien que l’idée soit faible, c’est qu’il peut jaillir beaucoup de choses étranges du surgissement du là-bas dans l’ailleurs, du connu et de l’intime dans le monde que l’on a apprivoisé seul, et où l’on ne doit qu’à soi les repères que l’on y a tracé. Ces deux visites n’ont pas atténuées mon rapport à l’étranger comme on pourrait le craindre de la compagnie d’un proche qui serait là depuis le débarcadère, elles y ont apposé un ton que je connais bien mais qui, en même temps, le bouleverse, et qu’il me faut donc adapter. Soit un effort nouveau, peut-être, qui je l’espère me sera profitable, en ce qu’il pourrait élargir l’appréhension que j’ai de la réalité, disons, et toucher à l’équilibre que je tente d’y trouver.

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